Extraits Les influences (d'après des photographies de Nolwenn Brod)
De l'extérieur du bois, je regarde s'extraire l'étrange nuage du châtaignier – un souffle d'air jaune se détourne de mes yeux : son dos voûté pourtant s'élève. Il suffit de peu – une respiration, un tremblement de main – et la tension s'inverse. En poussières, regarde ce qui reste au pied de l'arbre : cela finit de voler – l'air cesse de porter. Parfois se trace un visage incertain. Le profil droit s'effondre comme creusé. Blessure, face béante. Afin de célébrer son manque, elle expose quelques semaines son maintien lumineux. Souviens-toi, la couleur se fragmente, figure d'autres corps. À la fin d'un jour terne, le jaune cassé des fleurs me rappelle l'haleine d'une fenêtre. Sa lampe projette au dehors une zone claire – la nuit alors un mur percé.
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La virgule à l'envers sous la gorge attend d'être dite. Trouve son endroit – comme chaque mot – lorsqu'elle touche la langue. Puis retourne, modifiée par ta salive, en surface de peau. Le vent ne s'arrête pas aux murs, aux herbes dehors qu'il abaisse. Je pense à la fin de tes rêves, aux ratures qu'elle laisse au fond des yeux – à moins d'une esquisse déjà des nuits suivantes. Je retrouve un visage et des heures nous restons à nous regarder avec le bruissement des feuilles. Nous vieillissons. Certaines fois si la brume n'a pas bougé, je poursuis ton portrait : ton torse, je veux dire un champ aux nuances de terre pâle et d'ombres ici épaisses, là d'un gris faible. « Les vies anciennes nous effleurent. » Une courbure à peine : s'incline ton épaule à l'expiration de l'air – la peau s'habitue comme chaque jour au jour puis abandonne la nudité. S'habille d'une identité de pierre. Un buste, le tien, lorsque tu viens en lisière des bois, redécouvre sa douceur.
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Mais tire-moi des songes à moins que ta main y prenne part. Mon œil s'étend – sa courbe se poursuit en d'autres rides, mouvements brouillons de la tempe qui résiste à la conscience des heures – à la force de ta paume. Visage tiré par ta main : la ligne des cils comme une incise de la peau ; les yeux une plaie à protéger. A ton poignet s'évade une boucle – et son ombre – à ton poignet s'évade une boucle de mes cheveux. La douceur de l'ovale – l'ellipse du visage – la douleur de l'éveil sous la pression de tes doigts. Puis continue de flotter le résidu des songes à l'envers des paupières, comme lumière affaiblie. La main du sommeil me retient avant de tomber vers le jour. « Je n'entends pas encore ta voix » mais la fenêtre de la chambre à l'instant s'est ouverte. Laissons deux phrases lentement finir de se délacer.
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Le nuage s'étire de lui-même, se recourbe puis d'un désir vertical s'affine ; enfin se pulvérise et d'un effleurement humide pénètre la peau avivée de fatigue. Comment reprendre – tu parlais de « saisir » la vue ? Ou quels mots se trouvent par ces gouttes, dans l'ombre du bois, quels mots déplient une ligne qui convienne à ce lieu et n'évoque d'autres ? Se dissipe la phrase avec la brume. Cela serait beau. Au contraire elle s'inscrit à l'écart du cadre. Peut-être même la dissimule à son tour. La levée du voile ne fut prologue à ces mots. Seulement j'aimerais traverser une zone où se créent, illusoires, des territoires intermédiaires – une zone diffuse à l'écoute de solitudes vaporeuses.
(Poèmes publiés dans le numéro 87 de Traction-Brabant)